QUE VALENT LES PLATS PRéPARéS "TRAITEUR" VENDUS PAR LES GRANDES ENSEIGNES?

Les plats préparés traiteurs vendus par les grandes enseignes sont de plus en plus plébiscités par les consommateurs. Ils jouissent d'une image de préparations plus qualitatives que les plats surgelés ou en conserve. Cette réputation n'est pourtant pas toujours justifiée.

Des tartes salées, des pâtes, des lasagnes ou encore des bouchées en tout genre... Les plats préparés vendus par les grandes surfaces et estampillés du terme "traiteur" proposent de plus en plus de choix. Il y en a pour tous les goûts. Pour cause, ces produits rencontrent de plus en plus de succès. Comme le rapporte une enquête de 60 millions de consommateurs, ce secteur montre une hausse de 1.7% en volume sur l'année 2022, selon les chiffres des Entreprises du traiteur frais.

Cette popularité s'explique notamment par la hausse du télétravail. En effet, une étude menée en 2022 par la société d'études de marché IRI, montre que 27% des télétravailleurs ont déjà consommé ce genre de plat. Les Français apprécient également ces produits en raison des "qualités traiteur" promises par les étiquettes.

Mais dans les faits, ces produits, sont-ils vraiment meilleurs que les autres plats préparés? RMC Conso a interrogé deux spécialistes de l'alimentation: Xavier Terlet, spécialiste des tendances alimentaires au sein du cabinet Protéines XTC et Alexandra Retion, diététicienne.

"On joue sur le terme traiteur"

Les plats préparés qu'on peut retrouver dans les rayons traiteur des grandes enseignes jouent sur une valorisation et une présentation marketing qui donne l'impression que les produits sont faits maison.

En effet, on peut lire "votre traiteur vous propose" sur la face avant de l'étiquette d'un plat de pâtes au saumon vendu 5 euros au rayon traiteur d'Auchan. Le tout est accompagné d'une cloche de restaurant donnant l'impression que "le plat sort de la cuisine", analyse Xavier Terlet. La gamme propose une multitude d'autres plats, comme des pâtes au poulet, du couscous ou encore du hachis parmentier.

"On est complètement dans cette approche marketing qui est de donner l’impression qu’on est sur un plat préparé gourmand et plaisir", ajoute-t-il.

Le packaging renforce cette idée de produit gourmand en mentionnant une recette "riche en saumon frais et fumé", alors que le plat n'en contient que 14%. "C'est assez peu et ça ne représente pas une portion complète de protéines", analyse la diététicienne Alexandra Retion. "On joue sur le terme 'traiteur' insiste-t-elle.

Leclerc propose également une gamme de produits traiteur. RMC Conso s'est procuré un plat de 2 bouchées aux fruits de mer estampillées d'un bandeau "atelier traiteur" à 4.59 euros. Le groupe Carrefour commercialise aussi le même genre d'articles dont certains sont fabriqués par "La maison Tino". Il s'agit d'une entreprise agro-alimentaire qui distribue des "plats familiaux et frais" à la plupart des grandes enseignes.

Une confusion sur la fraîcheur du produit

La mention "frais" souvent apposée sur certains rayons traiteur peut également créer la confusion dans l'esprit des clients.

"Le consommateur peut avoir l'impression que ce terme renvoie à un produit qui vient d'être fait. Mais la réalité, c'est que cette expression peut aussi bien être utilisée pour un produit qui vient d'être cuisiné, que pour un aliment ou un plat conservé dans un meuble réfrigéré", explique le spécialiste en tendances alimentaires.

En effet, dans le cas des plats préparés traiteur, la mention "frais" indique simplement qu'ils sont conservés dans des armoires réfrigérées dont la température oscille entre 0 à 4 degré.

Des plats complètement industriels

La plupart des produits vendus en supermarchés estampillés de la mention "traiteur" ou vendus dans les rayons du même nom sont plutôt industriels. C'est en tout cas le cas des plats de la Maison Tino. C'est aussi le cas des pâtes au saumon mentionnées ci-dessus et qui sont produites au sein d'une des usines du groupe agroalimentaire belge What's Cooking. Il s'agit d'un réseau qui distribue des plats préparés dans près de 37 pays différents.

"On est loin de la petite entreprise puisqu'on est sur de très gros volumes produits dans de très grandes usines alimentaires", explique Xavier Terlet.

RMC Conso a sollicité l'entreprise afin d'en savoir plus sur les détails des modes de production de ces plats préparés, mais nous n'avons pas eu de réponse.

L'utilisation d'ingrédients transformés

La diététicienne Alexandra Rétion a analysé les étiquettes des pâtes au saumon et des bouchées aux fruits de mer. Elle est claire: "On est très loin du fait maison puisque les produits contiennent des ingrédients ultra-transformés."

"Les plats traiteur sont supposés être cusinés comme si on les préparait dans notre cuisine et ça n'est pas le cas sur ces produits. S'ajoute à cela le fait que, pour moi, dès lors que le produit contient un ingrédient ultra-transformé, il devient lui-même ultra-transformé.

En effet, les pâtes au saumon et les bouchées aux fruits de mer contiennent de l'amidon, "qu'on peut considérer comme étant un additif, car c'est une version plus industrielle de la farine classique", avance la diététicienne. Les deux plats contiennent aussi des arômes. Ils peuvent par conséquent être considérés comme étant ultra-transformés.

Des produits associés à la notion de plaisir

Contrairement aux plats préparés classiques, les produits "traiteur" vendus par les grandes surfaces jouissent d'une image assez positive auprès des consommateurs. 47% d'entre eux les associent même à "une source de plaisir" selon une étude menée par IRI, société d'études de marché.

"Cette image positive s'explique par le fait que ces plats sont souvent présentés dans des barquettes transparentes où on les voit, ils ne sont pas enfermés dans une boîte en métal ou dans un rayon surgelé. Mais la réalité c'est qu'on est dans des systèmes de cuisine industrielle dans les trois cas... Je dirai même que les surgelés et que les conserves ont l'avantage de ne pas présenter de conservateur", analyse Xavier Terlet.

Le spécialiste explique que ces plats sont souvent achetés pour être consommés "immédiatement", contrairement "à une conserve qu'on va laisser au fond du placard". En effet, la date limite de consommation de ces aliments est souvent assez courte.

Il estime également que ces produits sont plutôt comparables aux plats cuisinés "qu'on peut commander en livraison", car dans l'esprit du consommateur, ils s'inscrivent vraiment dans une consommation "minute et plaisir".

Comparer les ingrédients

Comme toujours, le consommateur ne doit pas se fier à la face avant d'un packaging et plutôt s'intéresser à la liste d'ingrédients. RMC Conso a demandé à Alexandra Rétion de comparer le plat de pâtes au saumon "traiteur" à un plat préparé classique équivalent en termes de recette, de la marque distributeur Leclerc.

"Le plat préparé classique contient à peu près 16.2% de saumon sur 280 grammes de produit, tandis que le plat préparé traiteur en présente environ 14% sur 450 grammes. Pour moi, le plat préparé classique est plus proche d'un plat traiteur", détaille-t-elle.

Concrètement, les plats préparés traiteur ne sont pas moins bons que les autres, mais ils ne tiennent pas leurs promesses de produits moins industriels. En réalité, quel que soit le type de plat préparé que vous achetez, gardez en tête qu'il s'agit souvent de produits transformés.

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