A LA VERA PIZZA NAPOLETANA, à PARIS, « POUR SAISIR LA BEAUTé DE LA PâTE DE CES PIZZAS, IL FAUT CHOISIR L’INTEMPORELLE MARINARA »

Chaque semaine, un journaliste raconte un produit ou une expérience gustative qui l’a marqué. Comme la véritable pizza napolitaine que propose Guillaume Grasso à Paris, dans le 15ᵉ arrondissement.

Daroco, pizzeria Peppe, Faggio, le groupe Big Mamma… Ces adresses parisiennes à succès ont un point commun : leur pizza aux bords boursouflés, dite « napolitaine ». Depuis dix ans, en France, la romaine, plus fine et croustillante, perd du terrain. Pourtant, selon les vieux sages de l’association Verace pizza napoletana, fondée en 1984 à Naples, seules seize pizzerias françaises les préparent dans les règles de l’art.

Parmi leurs critères : des produits essentiellement issus de Campanie (région dont Naples est la capitale), 5 % à 20 % de levain dans la farine utilisée, un temps de fermentation de huit heures au minimum, vingt-quatre heures au plus, entre soixante et quatre-vingt-dix secondes de cuisson dans un four à bois et des bords entre 1 et 2 centimètres de hauteur.

La pizzeria de Guillaume Grasso, ouverte en 2018, est l’unique adresse parisienne à avoir décroché le label. Une petite salle bouillonnante de trente-cinq couverts, toujours comble, point de rendez-vous des habitants de cette rue très calme du 15e arrondissement.

« Mio Dio, pas de fromage avec l’anchois ! »

Ici, le comptoir s’habille de l’écharpe bleue du club de football SSC Napoli, le serveur, cousin du patron, chante aussi l’Italie avec son accent. Aux murs, les photos monochromes racontent l’histoire des Grasso. Une famille populaire qui, en 1916, ouvre Gorizia, la première pizzeria du quartier bourgeois du Vomero, situé sur les hauteurs de Naples. Le clan lance la pizza dite « al piatto » (« à l’assiette ») ou « dei signori » (« des anciens »), plus petite qu’à l’époque. « Mon arrière-grand-père et ses frères étaient fatigués de voir les Napolitains ne jamais finir leur pizza, surnommée la “roue de carrosse” », s’amuse Guillaume Grasso.

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C’est dans cette première pizzeria du clan, toujours en activité, que le trentenaire s’est formé. S’il perpétue la recette familiale, sa touche réside dans son ammaccare, le façonnage du disque. « C’est ce qui différencie chaque pizzaïolo. Mon arrière-grand-oncle le faisait d’une seule main. » Seul aux fourneaux, ce geste est son secret, l’impérieux four en bois, au centre de la salle, ne laisse apparaître que son visage.

La gourmandise invite à commander la pizza aux artichauts, provolone et speck ou à la truffe noire fraîche en hiver, quand c’est la saison. Mais, pour saisir la beauté de la pâte, il faut choisir l’intemporelle marinara. Paisible, sans complication. Une pincée d’origan, une belle gousse d’ail éparpillée, du basilic, de la sauce tomate repulpée d’huile d’olive italienne, fruitée et poivrée… Le peu d’ingrédients glisse sur la pâte humide, moelleuse et aérienne.

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S’il en reste dans l’assiette, les bords légèrement brûlés appellent à saucer. Le goût évoque celui d’une belle tomate d’été simplement assaisonnée. Sur la marinara, le chef peut déposer, après cuisson, des anchois du village de Cetara, sur la côte Amalfitaine, avec, pour contrebalancer le salé, des tomates cerises cuites légèrement sucrées, des piennoli del Vesuvio, une variété ancienne traditionnellement cultivée sur les pentes sombres du volcan.

Mais de la mozzarella, jamais, « Mio Dio, pas de fromage avec l’anchois ! », s’insurge Guillaume Grasso. De l’huile piquante ? Sacrilège aussi. « A Naples, l’huile piquante on la donne aux touristes… » C’est la loi de la maison, inscrite sur les boîtes en carton destinées à la livraison.

La Vera Pizza Napoletana, 45, rue Brancion, Paris 15e. Pizza marinara : 9 €.

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